Le courrier de Suzy Navarro

 
 

 

 Suzy  Navarro

 

le 25/01/2006

 

 

 

A MES PARENTS 

 

 

Un jour de mars 1899,

 

mon Grand - Père et ma Grand - Mère Navarro

arrivèrent sur la terre d'Algérie, accompagnés de leurs 8 enfants,

venant d'Espagne. Ils s'installèrent à Koléa, au début de la plaine de la Mitidja.

 Leur famille continua de s'agrandir avec la venue de 3 autres enfants, dont le petit dernier fût

 James, mon père

 

La région n'était pas encore très sûre et un jour, mon Grand Père ne rentra pas chez lui.

La guerre de 14-18 pointant son nez, ma Grand Mère, en femme d'action,

prit ses enfants sous son aile et partit s'installer à Alger.

 Elle savait très bien frotter le linge pour le rendre

 encore plus blanc que blanc, ce qui lui

permit d'élever ses petits.

 Mon père devint un couturier du caoutchouc

 et se mit à réparer des pneus de toutes sortes et de toutes tailles.

 

Une autre grande famille venant également d' Espagne vivait de l'autre côté de la rue.

Grand Père Marlet, un homme fier de dresser le drapeau tricolore sur le faîte  de la maison

 qu'il venait de construire, Grand Mère entre autre, s'occupant d'élever dignement ses 6 enfants.

 Le troisième d'entre eux, une fille, devint une couturière des beaux tissus : Soie, mousseline, brocard,

Jeanne, ma mère.

 

 Jeanne et James,

étaient destinés à se rencontrer pour mettre en commun leur goût du travail bien fait.

 Ils s'installèrent à Alger où leur famille commença à s'agrandir.

 Christiane, un petit ange qui les quitta à l'âge d'un mois,

 suivie de Ginette dite Ginou, notre aînée, puis Claude.

 Ils déménagèrent à Birmandreïs où arriva René.

 Puis, mon père décidant d'ouvrir son propre

commerce, ils se dirigèrent  vers Birkadem.

 La famille s'agrandit  de deux rejetons,

Paul et Suzy qui clôtura la famille.

 Pendant que le père était penché

sur les travaux réclamés par les automobilistes, la mère

dirigeait sa nichée.

 

En 1939,

quand la guerre arriva, le travail ralentit et le ventre des oisillons commença à crier famine.

Notre père devint gardien de prison à la colonie,

ce qui lui permit de ramener plus de pain pour sa petite famille.

 

Il permettait à Mr Matéo le cordonnier, de continuer

 à exercer un peu son métier, en lui fournissant

 des morceaux de pneus qui remplaçaient

 les semelles de chaussures.

 

 La paix revenue,

la vie reprit son cours et pour aider la reprise du travail, toute la famille participa.

 Ma mère descendait en bus à Alger chercher les chambres à air et les petits pneus.

Ginou l'aînée devint la première ouvrière,spécialiste de la grosse machine hurlante,

ainsi que de la préparation de la salle de soins intensifs pour les pneus malades.

 Avec sa petite soeur,elle apportait le repas quand le père travaillait en continu.   

 Les devoirs étaient faits sur l'établi, il n'était pas question d'y échapper.

 Ginou se maria et les garçons continuèrent, suivis de la petite Suzy,

quand ils partirent à tour de rôle au régiment ou au lycée.

L'odeur du caoutchouc a toujours accompagné notre vie,

 mais celle de la soubressade grillant sur la forge de

Mr Gachet, me fait encore monter

l'eau à la bouche.

 

 

Puis un jour, la vie poussa tous les descendants à retraverser la méditerranée.

 Une autre aventure commençait, peut-être moins dangereuse,

 mais plus usante, plus difficile pour la recherche d'un

emploi, pour s'installer, faire son trou dans

 un pays où j'ai vécu bien plus longtemps

que dans celui de mon enfance,

de mes racines.

 

Mais l'esprit pionnier qui habita les nôtres depuis toujours ne nous abandonna jamais.

 Les générations qui nous suivent continueront leurs chemins, animées du même allant,

de la même envie d'aller toujours plus loin, pour faire de leur vie

une belle aventure.

 

 

Suzy

 

*

James Navarro est né en 1903, ses petits enfants ont eu le plaisir de cueillir et croquer
les fèves et les tomates qu'il aimait planter. Il nous a quittés en 1975

Jeanne Navarro est née en 1906, ses petits enfants se régalaient avec les crêpes salées ou sucrées qu'elle faisait sauter dans sa cuisine. Elle nous a dit au revoir en 1993.