Bonjour Monsieur Pérez, Comme je vous le disais au téléphone, Continuez votre beau travail ! Gaston Palisser*
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C'est en grande
partie grâce à des notes écrites par l'abbé Roman, curé de
Birkhadem, en 1929, |
Laissant derrière lui la colonne Voirol et longeant ensuite le
Bois de Boulogne, le promeneur venu d'Alger atteignait Birmandreïs (corruption de Bir
Mourad Reïs, "Le Puits du Reïs Mourad ") puis, poursuivant sa randonnée,
il empruntait la route Alger-Laghouat, ouverte dès 1832 par le Génie
militaire. Une côte assez raide suivie d'une longue descente terminée par
un virage prononcé, une ultime montée le conduisaient enfin à Birkhadem
(1), randonnée effectuée au milieu des cultures, des vergers, des jardins
verdoyants parmi lesquels se détachaient, çà et là disséminées, de
blanches maisons mauresques et de coquettes fermes.
"Le
Puits de la Négresse "
devait ce nom à une tradition orale
remontant aux XVIe et XVIIe siècles selon laquelle, à cette lointaine
époque, une vieille femme noire avait coutume de venir s'accroupir auprès
de la source qui s'épanchait en ce lieu pour y rouler le kousksoû
(couscous) familial. Depuis les temps anciens, cette fraîche et agréable
fontaine naturelle avait servi, tout comme celle de Bir Touta (" Le Puits
du Mûrier ", à dix kilomètres plus au sud, de point d'arrêt pour les
nomades et les troupes en campagne qui y dressaient leurs campements. Mais
bien avant les Arabes et les Turcs, les Romains avaient reconnu et
apprécié le site, comme ils surent le faire excellemment partout ailleurs
dans la zone qui entourait alors Icosium (Alger) de nombreux vestiges en
témoignaient encore, en 1830 et, de nos jours, les restes d'une voie
romaine, visibles au km 9, 500, attestaient toujours de cette antique
présence.
À partir du XVIIe siècle, les frais et
verdoyants vallons du " Puits de la Négresse " attirèrent à eux les
dignitaires turcs et les riches négociants maures d'El jezaïr qui, durant
la canicule, étouffaient dans la moiteur et la puanteur de la capitale,
enfermée entre ses vieux remparts sarrazins. Ils furent alors nombreux à y
élever des maisons de campagne et, jusqu'à la venue des Français,
Birkhadem ne constituait qu'une agglomération de blanches villas
mauresques éparpillées dans cette riante contrée. Le dey Hassan,
notamment, y séjournait souvent l'été et l'endroit lui était si agréable
qu'il fit coiffer la source d'une élégante fontaine de marbre qui subsiste
aujourd'hui encore, recelant, sous sa coupole, une plaque de marbre gravée
de caractères arabes, comportant la dédicace qui date cette érection de
l'an 1212 de l'Hégire, soit 1797 de notre ère. Un bosquet de saules et de
pins qui subsistait encore en 1830 ombrageait le petit monument et, face à
lui, le dey avait fait élever une mosquée qui servit de mairie de 1840 à
1899, tandis qu'il installait un haouch et un moulin à grains au bas des
pentes du Sahel, à proximité et sur l'Harrach.
SENTINELLE AVANCÉE DANS LE SAHEL
Plusieurs de ces maisons de campagne édifiées avant la conquête
existaient encore, plus ou moins bien conservées, telle la
villa du Cheikh
el Bled (" chef municipal d'El Djezaïr ", située à droite
en venant d'Alger, au km 9, 500, puis Ben Négro, à quelque distance de
la précédente, ancienne propriété du chef de province.
Toujours avant de pénétrer dans le centre, en retrait sur la Nationale 1,
à gauche, s'élevait l'Haouch Ben Siam,
domaine séculaire de cette famille de notables maures dont les ancêtres
avaient été les contemporains des frères Barberousse . Un bois de pins
d'Alep entourait alors les importants bâtiments dont ne subsistait plus,
de nos jours, qu'un seul et magnifique exemplaire, vieux de plusieurs
siècles, qui passait pour avoir servi à la pendaison des criminels, car
les Ben Siam avaient autrefois droit de justice. De nombreux crochets de
fer, noyés dans les couches de l'écorce, auraient servi à ces exécutions.
Ensuite, dans l'agglomération, on trouvait la résidence du
Caïd el Bab,
ancien gouverneur des portes d'El Djezaïr. Décorée d'une collection unique
de faïences Persanes et hispano-mauresques, cette villa possédait encore
les pierres provenant de l'ancien porche de la Bab Azoun, démolie en 1846.
Puis, à la sortie sud, à droite et en retrait sur la route de Blida, on
pouvait apercevoir la Khazna Dar ou Maison du trésorier du dey. On
trouvait aussi le Djenan ben Abd-el-Kader, demeure de l'ancien chef de la
police, ainsi que le Djenan Safar, ou villa de l'orfèvre du
dey.
Durant
les premières années de la Conquête, Birkhadem demeura un point avancé de
l'armée dans la défense d'Alger. Le 12 décembre 1831, le commandant
Duvivier demandait et obtenait Ben Négro. Ben Siam et Cheikh el Bled,
chacune pour deux compagnies, tandis que le Khazna Dar était occupé par le
6e de ligne. Ben Siam fut occupé par un escadron de spahis réguliers,
constitué de cavaliers indigènes et français mêlés. En 1836, les diverses
constructions composant cet haouch abritaient 6 officiers, 137 hommes et
118 chevaux ; en 1840, le grand pavillon fut attribué à un maréchal de
camp (général de brigade), ses officiers étant installés dans des annexes
construites exprès; le futur maréchal de Saint-Arnaud y séjourna quelque
temps. Cette propriété revint à ses légitimes possesseurs en 1845 et, plus
tard, fut aménagée en pénitencier militaire. Le 18 septembre 1839,
Birkhadem, l'un des seize camps retranchés créés autour de la capitale,
voyait partir une unité de zouaves, sous les ordres du chef de bataillon
Laflo, au secours du poste du Fondouk attaqué par les hordes
d'Abd-el-Kader, opération menée conjointement avec des troupes basées à la
Maison-Carrée . De continuelles et
sanglantes escarmouches tinrent en éveil, en cette première décennie de la
Conquête, les troupes installées à Birkhadem, sentinelle avancée face aux
Hadjoutes de la Mitidja qui attaquaient sans relâche les postes isolés et
même les camps implantés sur le pourtour du Sahel. Douéra, (" la
Petite Maison ") constituant leur cible préférée. De nombreuses fois, " le
Puits de la Négresse " eut à recueillir des colons fuyant la plaine,
chassés de leurs exploitations agricoles à peine naissantes par les
égorgeurs d'Abd-el Kader notamment après la rupture du traité de la Tafna
(1837). Il servit aussi de point de concentration aux troupes
expéditionnaires dans leurs marches au secours vers Chebli, Boufarik et
Blida.
UN AUTRE ENNEMI A VAINCRE : LE PALUDISME
La
"Ferme modèle ", implantée au sud-est de Birkhadem, subit elle aussi de
fréquents assauts des Hadjoutes et nombreuses furent les vies de colons
sauvées par ses vieux murs crénelés derrière lesquels ils avaient trouvé
refuge avec femmes, enfants et domestiques. La construction de cette "
Ferme expérimentale " avait été décidée dès la fin de l'année 1830 par le
général Clauzel qui, comprenant le parti qui pouvait être tiré de la
plaine de la Mitidja, voulut tenter une expérience qui servît aux futurs
colons. Il choisit l'haouch Hassan Pacha, au bas des pentes du Sahel, à
dix kilomètres des marais des Ouled Mendil et cette ferme modèle inaugura
ainsi la longue liste des victimes que devait faire la Mitidja avant de
devenir saine et prospère. Car la petite garnison installée dans ce
premier établissement colonial français dans ce qui ne s'appelait pas
encore l'Algérie, y découvrit avec effroi un ennemi encore plus terrible
que les Hadjoutes : le paludisme, qui la décima rapidement. Dès lors, les
dépêches officielles à destination de Paris sont remplies de longues
plaintes sur l'état sanitaire de la troupe. Par exemple : "Les postes de
la Maison Carrée et de la Ferme Modèle sont tellement malsains que, dans
l'espace d'un mois, le 30e de ligne se trouve presque réduit à rien
(Berthezène à Soult, 1e juillet 1831 ". Et le 8 août de la même année
"L'état sanitaire de l'armée empire tous les
jours et devient véritablement effrayant; il n'y a pas de jour où il
n'entre 100 et jusqu'à 150 hommes à l'hôpital
". Pour tenter de remédier à
ce désastreux état de choses, on fit relever les hommes de la Ferme Modèle
tous les dix jours, puis tous les cinq jours et enfin tous les jours, mais
en vain. Au contraire, en quelques semaines, presque toute l'armée se
trouva impaludée, jusqu'à 18.000 hommes en 1830 et plus de 10.000 en 1831.
Situation qui ne fit que s'aggraver au cours des années suivantes. 20 août
1837 "Le chiffre des malades continue à
augmenter... Il a fallu renforcer le 2e de ligne, qui était insuffisant
pour le service, par 200 hommes de la Légion étrangère et suspendre les
travaux ".
Les petites garnisons qui s'y succédèrent
laissèrent un souvenir de leur passage en ces lieux l'inscription Cabaret
du 23, gravée sur une plaque de schiste, elle-même apposée sur la fontaine
turque qui avoisinait l'haouch. Les moulins d'Hassan Pacha, sur l'Harrach,
furent réutilisés, devenant plus tard les moulins Morhing et Marchand
avant d'être désaffectés. En 1913 encore, la Ferme Expérimentale, devenue
domaine privé, fit parler d'elle : sa propriétaire Mme de Félieu, y fut
assassinée par un jeune indigène qu'elle avait élevé comme son propre fils
et le meurtrier expia son crime sous la guillotine. Enfin la propriété
devint le Domaine de Kéroulis, bien connu des Birkhadémois.
UNE PÉRIODE D'INSÉCURITÉ
Cependant durant cette décennie 1830-1840, la pacification était loin d'être achevée et les Hadjoutes et Ben Salem qui infestaient la Mitidja ne laissèrent guère de repos aux défenseurs de Birkhadem. Ainsi, en 1834, le 3è bataillon du 4è régiment de ligne qui effectuait une tournée de surveillance vers l'oued Kherma fut surpris au beau milieu des massifs épais qui bordent l'oued par un ennemi très supérieur en nombre. Chargeant furieusement à la baïonnette, les lignards, succombant à la pression numérique, durent lâcher pied, laissant de nombreux morts derrière eux. Sur ces lieux, une borne fut dressée au bord de la route, en hommage aux malheureuses victimes. Elle portait l'inscription : " 3e bataillon, juillet 1834 ". Le 7 septembre 1838, alors que des pillards en nombre cherchaient à razzier une tribu soumise, dans le voisinage de Birkhadem, le poste de gendarmerie se portait à leur rencontre et le brigadier Disseaux était tué d'un coup de poignard au cours d'une charge. Son corps emporté par les pillards disparut dans les épaisses frondaisons de l'oued Kherma et ne fut jamais retrouvé. Le 7 septembre 1838, le gendarme Bidart fut grièvement blessé d'un coup de yatagan au cours d'une patrouille et le 27 avril 1840, deux maisons étaient brûlées et trois personnes enlevées dans les environs de la Ferme Modèle; le 30 octobre de la même année, nouvelle incursion des Hadjoutes : les gendarmes les attaquent et, bien qu'inférieurs en nombre, les contraignent à battre en retraite, mais le gendarme Labourdette est tué d'un coup de poignard et son corps ramené à la brigade. Le ler novembre 1867, la brigade de gendarmerie de Birkhadem prenait possession de sa nouvelle caserne, dans les locaux de l'ancien pensionnat Sainte-Jeanne-d'Arc dont une statue se voyait encore dans une niche aménagée sur la façade. Pour quelles raisons cet établissement scolaire avait-il dû fermer ses portes ? L'explication pourrait se trouver dans le dépeuplement provisoire du centre, en ces années 1840, qui virent le départ de nombre des premiers colons installés là dès 1833 : les insuccès, la maladie, joints à l'insécurité les ayant découragés et contraints à l'abandon. Le 3 décembre 1924, fut apposée, dans les locaux de la brigade et en présence de plusieurs personnalités, dont les maires des localités voisines, une plaque de cuivre commémorant la mort des gendarmes Disseaux et Labourdette.
CLIMAT, GÉOLOGIE ET GÉOGRAPHIE DE BIRKHADEM
Situé à 105 mètres d'altitude, Birkhadem jouit d'un climat tempéré et salubre. Environné par les hauteurs qui l'enserrent, le centre lui-même est assez chaud et humide l'été, climat cependant corrigé par les brises marines qui soufflent de la Méditerranée proche, tandis que les habitations placées à flanc ou sur les crêtes des collines subissent de plein fouet les vents d'est et de sud. Sous le sable rouge qui constitue une terre légère très propice aux cultures maraîchères, celles des primeurs et de la pomme de terre, notamment, s'étendent les marnes sahariennes recouvrant une molasse calcaire tendre, avec des grès par endroits, et ces argiles renferment de nombreuses poches d'eau qui ont fait la richesse de la commune. Car, au début, le centre était peu fourni en eau.
On rapporte à ce sujet, qu'au XVIIè siècle, alors que l'esclavage constituait encore, avec la piraterie maritime, l'industrie principale de la Régence turque d'Alger, un riche Maure d'El Djezair occupait de nombreux esclaves dans ses jardins du " Puits de la Négresse ". Comprenant qu'il fallait de l'eau pour que ses terres devinssent plus productives, le Maure proposa à une équipe d'Espagnols qu'il utilisait de leur rendre la liberté contre la découverte et l'amenée jusque dans ses jardins du précieux liquide. Marché aussitôt accepté par les Ibériques qui se mirent sans tarder au travail, sous la conduite de l'ancien officier qui les dirigeait habituellement. Si puissant était le désir qui animait ces malheureux de recouvrer leur liberté, qu'ils accomplirent le miracle d'alimenter Birkhadem en eau, en moins de six mois, grâce à leur travail forcené. Ayant capté la source de Kaddous, trois kilomètres plus haut, ils l'endiguèrent, la canalisèrent et l'amenèrent ainsi jusque sur les terres de leur maître, ayant ouvert jour après jour d'innombrables tranchées creusées à force d'énergie et d'obstination. Cette histoire n'a jamais été authentifiée, mais il n'en demeure pas moins vrai que le village reçoit encore l'eau légère de Kaddous pour tous ses besoins et, selon toutes apparences, ce sont toujours les mêmes conduites du XVIIe siècle qui, modernisées et agrandies continuent de lui apporter la prospérité. A partir des années 1850, la fécondité des terres de Birkhadem s'accrut encore, grâce aux nombreux puits forés dans la région, des centaines de norias déversant en abondance l'or liquide dans les jardins maraîchers du "Puits de la Négresse ".
Un
précieux instantané du village à ses débuts nous est livré par un jeune
sous-officier de spahis réguliers cantonné à Birkhadem dans une lettre
datée du 6 octobre 1837, et adressée à sa famille en France: " Mon cantonnement est un des plus beaux que les spahis
occupent. Ben Siam est situé dans un vallon à deux lieues d'Alger.
Quelques colons hardis y ont élevé quelques maisons qui forment un petit
village à la française. La culture y est facile, la terre est couverte
d'arbres fruitiers, de vignes et il y a une ou deux petites forêts, ici la
chasse est bonne et Dieu merci on ne vit que de gibier... Quatre jours
après notre arrivée dans ce beau séjour, je prends mon fusil, je bats les
broussailles, les figuiers et j'avais déjà trois perdrix et un
merle.
La peste et le choléra sont à Alger, tous les
colons désertent la ville et viennent camper dans la plaine. Le choléra a
commencé par l'hôpital du Dey où il y avait 2.000 hommes... Nous quittons
demain Ben Siam pour aller cantonner à Ben Imred, tout près du mont Atlas
(2)". C'est que l'histoire de Birkhadem est
intimement liée à la conquête de l'Algérie et à la mise en valeur de la
Mitidja.
Louis de Baudicourt (La colonisation en Algérie) a vu Birkhadem en
1856: avec lui, découvrons-le tel qu'il était à cette époque: "
Au-delà de Birmandreis, la route de Blida est bordée de
belles plantations çà et là des caroubiers ou de gros oliviers sauvages
viennent marier leur feuillage aux lignes d'ormeaux et de platanes; plus
loin, des groupes de pins étalent à l'horizon le parasol de leurs cimes
élevées ; à droite et à gauche de la route, on rencontre de belles
exploitations agricoles qui se succèdent sans interruption jusqu'à une
fontaine aux arcades de marbre appelée Bir-Khadem. Un café maure y est
établi ; quelques industriels, aubergistes, épiciers, boulangers,
maréchaux-ferrants se sont installés alentour à l'ombre du clocher d'une
petite église." Ajoutons que, après l'exode des premiers
colons, dans les années 1840, le centre vit l'arrivée progressive de
nombreux immigrants espagnols, originaires des îles Baléares le plus
souvent et qu'il doit en grande partie sa prospérité au labeur opiniâtre
et à la science maraîchère des Sintes, Fédélich, Tixidor, Ruitort, Fabrer,
Bagur, etc
Depuis 1842, le centre possédait une église. Érigéen commune par
décret royal du 22 avril 1833, les offices du culte catholique avaient
jusque-là été célébrés par le vicaire forain de Dély-Ibrahim dans une tour
de défense désaffectée. Le 26 décembre 1842, Mgr Dupuch, nouvel évêque
d'Alger, posait la première pierre de l'édifice. Confiée au Génie
militaire, la construction en était achevée en 1843 et, au mois de juillet
de la même année, le prélat consacrait l'église, la dédiant à sainte
Philomène. Une cloche fondue à Lyon était placée dans le beffroi. Elle
reçut le même jour son nom de baptême : Marie-Caroline-Philomène, la
marraine étant Mme Marie-Caroline Darciaux et le parrain M. Albin,
ex-maire de la commune.
À l'intérieur, la
chapelle possédait un maître-autel de marbre vert et noir construit sur le
modèle de celui de l'église du saint suaire de Turin.
C'était un don du roi de Naples, père d'une
fillette elle aussi prénommée Philomène. Deux tableaux de quatre mètres de
hauteur en ornaient le chœur, don de l'empereur Napoléon III, lors de son
passage à Birkhadem, le 6 mars 1865, alors qu'il allait inaugurer
l'exposition agricole de Boufarik. Plus laid, en 1928, le clocher et son
beffroi furent reconstruits en même temps que l'intérieur était remanié,
tandis qu'une horloge était enchâssée dans le fronton de l'édifice
religieux dont les servants furent les curés Pons, Raffat, Salles, Roman
et Martin, secondés dans leur tâche paroissiale par les Sœurs
missionnaires de Notre-Dame d'Afrique et les Sœurs Blanches.
En 1865, le Nouveau Guide Général du Voyageur en
Algérie nous dépeint notre village : "Birkhadem a
acquis une certaine importance qu'il doit à sa proximité d'Alger, ainsi
qu'à la beauté de son site et à la fertilité de ses terres. Les
habitations, groupées autour de l'église, ne sont pas très nombreuses :
maison commune, écoles, salle d'asile, hôtel-café-restaurant, mais
au-dehors du village on trouve, éparpillées dans la campagne, une centaine
de fermes qui présentent l'aspect le plus riant. Le territoire, couvert
d'arbres fruitiers, de mûriers et de vignes, produit en abondance des
céréales et du tabac."
Et en 1882, les itinéraires de l'Algérie
ajoutaient: "Birlkhadem, agglomération de fermes et
de villas mauresques et françaises, constitue, avec Saoula, une commune de
2.054 habitants (408 Français, 5 Israélites, 1.020 indigènes et 621
étrangers").
La place est ornée, en face de l'église,
d'une fort jolie fontaine mauresque alimentée par un aqueduc, mais qui,
comme celle de Birmandreïs, est gâtée par des constructions parasites.
Près du village, se trouve un pénitencier pour quatre ou cinq cents
militaires. Birkhadem possède encore un orphelinat de jeunes filles
indigènes fondé par Mgr Lavigerie après la grande
famine de 1866-67."
ORGANISATION ADMINISTRATIVE
Érigée
en commune de plein exercice le 17 décembre 1843, Birkhadem incluait
d'abord, dans son territoire, les centres de Birmandreïs et Saoula. Mais
Ces deux annexes se développant rapidement, la première fut érigée en
commune le 17 décembre 1863 et la seconde le 12avril 1894. Depuis,
Birkhadem a vu ses 1591 hectares de territoire limités au nord par
Bizmandreïs, à l'est par
Kouba , et au sud par
Saoula.
Birkhadem était placé sous l'autorité d'un maire assisté de vingt
et un conseillers dont deux adjoints. Depuis 1840, la mairie était logée
dans l'ancienne mosquée construite par Hassan Pacha ; en 1889, elle vint
installer ses services dans l'ancienne école. Quelques noms de ces
magistrats municipaux: MM. Truchet, Alexandre, Berthier, Borderie. En
1860, la commune se dotait d'abattoirs, tandis que s'amorçait la
construction des égouts collecteurs, terminée en 1913. En 1932, la salle
des fêtes apparaît à son tour. La première école fut ouverte en 1843. Elle
occupait le premier étage d'un immeuble appartenant à Mme Aymes et située
à l'entrée du village, à droite, en venant d'Alger. En 1863, elle était
transférée sur la place, dans l'immeuble qui servit plus tard de mairie.
Un nouveau groupe scolaire la reçut en 1889 et, dans le jardin curial y
attenant, une école indigène fut édifiée en 1928, Elle devint ensuite
école de filles exclusivement. Quelques noms d'enseignants dont les
Birkhadémois se souviennent encore : Mlle Marage, M. et Mme Alexandre, M.
et Mme Lacrampe, Mmes Maumy et Didier. Dans les années 1960, les écoles
communales abritaient plusieurs cours primaires et
complémentaires.
Passées les difficiles années du début, Birkhadem s'étoffa
graduellement, devenant, grâce au labeur incessant de ses habitants, une
petite cité florissante. En 1870, en 1914-18 et en 39/45, la commune paya
son tribut humain aux guerres nationales. Une plaque de marbre apposée
dans la nef de l'église rappelait les noms de ceux qui avaient offert leur
vie au pays en 14/18. Gachet Charles, Mol Honoré, Tosiano Joseph, Sintès
Joseph, Voger Charles, Fédélich Antoine, Lesch Pierre, Moréra Joseph,
Camdona Simon, De Serroux Jean, Ganourgue Julien, Bay Marcel, Courmontagne
Marcel, Prady Désiré, Cortès Antoine, Cardona Antoine, Moréra Pierre,
Moréra Francois, Sintès Jacques, Fédélich Damien, Battarel Jean, Prady
Louis, Monjo Joseph, Sintès Barthélemy, Tur Marius, Beuffe Jean, Llorens
Raphaël, Gomila Gabriel, Colt Barthélemy, Bérenguer Michel, Pérez
François.
Jusqu'en 1962 la vie économique de la commune était active et
prospère. Outre une importante cave coopérative agricole, de nombreuses
exploitations maraîchères et fruitières, entreprises de transport ou de
conditionnement, conserveries, import-export, Birkhadem pouvait utiliser
les services de multiples professionnels : médecins, pharmaciens,
dentistes, architectes, avocats, banquiers, commerçants en denrées ou en
produits divers, artisans en tous genres, bref, notre village ne souffrait
alors d'aucune carence sur presque tous les plans. Ses 8.402 habitants y
vivaient heureux. Ajoutons qu'ils n'étaient pas isolés de la capitale,
grâce aux services d'autocars qui fonctionnaient, rapides et fréquents,
entre Birkhadem et Alger: Autocars Blidéens et Cars Seyfried
notamment.
De nombreuses activités de loisirs contribuèrent longtemps à souder
une population heureuse de vivre dans le calme et la douceur du "Puits de
la Négresse". Deux sociétés de musique se partagèrent même, un temps, les
faveurs des mélomanes du centre. Finalement, subsista seule l'harmonie
municipale dirigée, en dernier lieu, par M. François Pérez. Pour toutes
les générations, le boulisme fut le sport et la distraction favoris. La
Société Bouliste fut plusieurs fois championne d'Algérie et envoya des
finalistes au championnat de France. S'y illustrèrent les Llopis, Combes,
Sorabella dont les noms étaient alors sur toutes les lèvres. Une société
de football, I'Olympic de Birkhadem, et le Racing Club de Birkhadem,
société de basket-bal! virent longtemps leurs couleurs dignement portées
par leurs jeunes athlètes.
Les Birkhadémois, aujourd'hui en exil
dans leur propre patrie, ressentiront sans doute un pincement au coeur à
l'évocation de ces lieux où ils naquirent et vécurent les moments les plus
heureux de leur existence, ce milieu familier dont les moindres recoins
leur étaient connus, connivence qu'ils partageaient avec celles et ceux
qu'ils avaient fréquentés à l'école, à l'église, à la salle des fêtes, au
club, au stade ou sur le terrain de boules. Et le souvenir de ce bonheur
simple ne s'effacera jamais de leur esprit et de leur cœur...
Gaston PALISSER
(1) Nous reprenons ici l'orthographe ancienne la plus logique "Le Puits (bîr) de la Négresse (khadem)".
(2) Le maréchal des logis-chef Eugène Cèdre, originaire du Doubs fut nommé sous-lieutenant dans le même corps des spahis en 1838 et mourut le 5 septembre 1840, à l'âge de 31 ans, à Alger où il fut emporté par le choléra qui sévissait alors dans la colonie.